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Tu es dans la dernière cigarette que j’ai fumée. 

Tu es dans le moulin de Noël, celui qui tourne à la chaleur des petites bougies rouges.

 

C’est le premier Noël sans toi. C’est le réveillon, et nous ne l’avions jamais fêté que tous les quatre. On s’est fait beaux, quand même. J’ai mis un beau pantalon rouge et mes talons que je ne porte vraiment pas assez pour ce qu’ils ont coûté. On a allumé toutes les bougies de la maison,  maman a décoré le salon et la cuisine et toutes les guirlandes sont allumées. Le sapin est sublime, excessif. Il y a du champagne sur la table basse, et les petits fours suivent assez vite.
On se retrouve dans le salon, tous les quatre. Il y a une seconde de silence. On attend quelque chose, je crois. On attend la sonnette qui retentit trois fois de suite, on attend l’odeur de cigarette qui envahit l’entrée, on attend le froid de tes joues qui claquent les nôtres, chaudes d’être restées toute la journée à l’intérieur de la maison. On attend ta voix rauque qui complimente la jolie décoration, le sapin gigantesque, la cuisine qui sent bon, Simon qui est grand et beau, moi qui suis belle et forte. 

On est là, tous les quatre, et on attend tout ça, en sachant très bien que rien ne sert plus d’attendre. Alors on ouvre le champagne dont le bouchon pète comme un soupir, et on se sert de belles flûtes dont on a, tous les quatre, vraiment besoin. Et on rit, parce que c’est ce qu’on sait faire de mieux. 

Tu es avec nous ce soir. Je te sens parmi nous. La soirée passe et quelque chose me pique l’esprit. Je me lève et me dirige vers le petit meuble, dans l’entrée. J’ouvre le tiroir, et je le trouve, je te trouve. L’épais cendrier en pierre polie que nous ne sortirons plus, le fantôme de ta fumée. Je le prends dans mes mains, en caresse les rebords doux et réconfortants, et je peux presque te voir écraser une énième roulée en son creux. Tu es dans ce cendrier, dans ce tiroir, dans cette maison, le soir de Noël. Ta fumée est la seule qui en aura caressé les murs. 

Une semaine plus tard, au nouvel an, je fumerai la moitié d’une cigarette. J’écraserai l’autre moitié, elle sera pour toi.

 

Tu es dans les matins de Noël qui ne sentent plus le tabac froid.

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