
Tu es dans les chaussons aux pommes briochés.
Tu es dans la voix de mes peluches.
Je rentre à la maison. Papa est venu me chercher à la gare et m’a fait des blagues en se cachant derrière le volant de la 206. On est passés chercher du pain rue de Paris et c’est moi qui ai ouvert la lourde porte d’entrée avec mes clés. C’est samedi midi et Maman n’a pas encore fini de travailler. Elle ne devrait pas tarder à traverser le jardin pour passer de son bureau à la maison. En attendant, je fourre mon linge sale dans la machine à laver et je pars à la recherche de Chardon. Elle est sur le canapé, sur le bord le plus à droite, comme d’habitude. J’enfouis ma tête dans son pelage et j’oublie le temps. Je suis tirée de ma demi-sieste par Maman qui me demande de mettre la table. Je m’exécute et, machinalement, sors quatre assiettes, quatre couteaux, quatre fourchettes et quatre verres des placards. C’est au moment de les poser sur la table que je me rends compte de mon erreur. Je range une assiette, un couteau, une fourchette et un verre. La place du côté du meuble blanc reste vide. Et pourtant, je peux y sentir ta présence silencieuse me regarder faire. Ça ne m’étonne même pas, et je pourrais presque m’asseoir à table et lui faire la conversation tant cela me semble naturel. Tu es là, avec moi, comme tu es là dans tous mes gloussements, dans tout le jardin, dans toute la maison, dans tout ce qui fait mon enfance dans toutes les pièces de la maison.
Tu n’es pas venu ce weekend, et je crois que tu ne viendras plus trop les prochains weekends. C’est ce fantôme qui prend ta place, pour moi en tout cas. En attendant que tu veuilles bien revenir. Ce n’est pas grave. Je lui tiendrai quand même compagnie, et je m’assiérai avec lui autant de temps qu’il faudra. Prends-le, ton temps. Quand tu reviendras, il y aura une assiette, un couteau, une fourchette et un verre à ta place, du côté du meuble blanc.
Tu es dans les repas à quatre qu’on ne fait qu’à trois.