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Tu es dans le canapé en velours vert du salon. 

Tu es dans la vigne vierge qui verdit au printemps, et qui roussit à l’automne. 

 

Je suis rentrée à Paris. J’ai monté les cinq étages de mon petit immeuble, j’ai balancé mes affaires sur mon lit, j’ai ouvert ma porte fenêtre et je me suis écroulée sur mon canapé. Ma valise trône au milieu de mon minuscule salon. Je n’ai pas la force de ranger, pas encore. Je fais tomber ma tête en arrière. Je soupire. La rue vit, dehors. C’est la fin du mois d’août. Il fait chaud même si la journée se termine, et Paris sort doucement de sa torpeur estivale. Mes yeux ne s’accrochent à rien, ou plutôt si, ils s’accrochent au vide. Je respire lentement.

J’ai passé le weekend à te pleurer. On était là, tous les quatre, à la maison. Ça faisait si vide, sans toi. On a pris le temps de te dire au revoir, et puis, au bout de deux jours, j’ai eu envie de partir. J’ai eu envie de vivre ce trou dans ma poitrine seule.

Et voilà, j’y suis. Mon corps avachi sur le canapé, mon regard qui ne regarde plus rien, et le trou dans lequel je me laisse tomber. Pas de sensation particulière. Vraiment, du vide.

Et puis un miaulement.

Je tourne la tête. Il est là, sur mon balcon, à me regarder curieusement de ses grands yeux jaunes. C’est un chat gris, il est légèrement rayé sur les pattes avant. Deux ans que j’habite ici et je ne l’ai jamais vu. Il entre dans mon appartement comme s’il était chez lui - c’est un chat - et tourne autour de ma valise. Je le regarde comme s’il s’agissait d’un mirage. Il saute sur le dessus de la valise, s’y installe et maintient son regard vers moi. 

Je me sens remonter de ma chute. Je te sens revenir près de moi. J’avance ma main pour le caresser, et il anticipe mon geste en cherchant ma paume avec sa tête. Ça fait comme un choc de douceur. Tu es là, dans cette caresse. Je t’y sens. Je fais glisser ma main sur son pelage, et je peux sentir le tien sous mes doigts. Tu es là. Comme une évidence, il se lève et saute sur mes genoux. Il s’y roule en boule, sous mes caresses, et je me retrouve là, un chat sur moi et un trou béant que sa tendresse - ta tendresse ? - vient apaiser. 

 

Tu es dans cette fin de journée d’été, où je me suis endormie avec un autre chat contre moi.

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